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Extract from the novel Little swallow by Irène Rozdoboudko FR PDF Друк e-mail

Irène Rozdoboudko

L'hirondelle est arrivéee

Traduit par Iryna Dmytrychyn

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1

Nursing home, the USA

Décembre 1997.

- … il y en a quelque chose d'injuste làdans. Ce, qui anéantit tout le sens de la vie. Ce, qui raye toutes les aspirations, tous les sentiments, la lutte pour la place au soleil, l’amour pour des proches. Et observant cet anéantissement chaque jour, on se pose la question : Y a-t-il de la justice quelque part dedans? Et on perd du sens du tout. Du tout! On se questionne : Pourquoi tout ça – nos doutes, nos souffrances, nos victoires et nos succès? Pour quoi? On devient incrédule à l’existence du Dieu, après tout6, il n’a pas bien repensé le résultat final.

- Moi, j’essaye de ne pas y penser. Je fais mon travail tout simplement. Ne t’y fais pas la tête. On n’est pas pour l’éternité ici, la fin toujours la même…

- Exacte. Mais pourquoi une telle? À quoi est-on coupable pour avoir une telle fin? Pression. Dyspnée. Arythmie. Tachycardie. Alzheimer…

 

- Pas pour tout le monde, par contre. Regard Mister Nicolas de la chambre trente-six! Presque quatre-vingt-dix-neuf ans, et sa tête est fraiche, comme un concombre. Eh oui, il peut encore d’envoyer promener. Dès qu’il jette quelques mots en sa langue, on comprend tout de suite qu’il t’envoie promener. Et, surement, assez loin, puisqu’il murmure une longue minute au moins. J’ai appris ceci : D’id’ka lysoho. Il seraitbien de le comprendre quand même. De plus, il ne nous permet pas de lui amener au party. Il affirme s’ennuyer dans la compagnie des vieillards américains. Comme s’il n’était pas américain!

- Mister Nicolas est unique. Mais sa tragédie n’est pas pareille : infirmité du corps et clarté d’esprit. C’est encore pire : le corps est faible, mais l’esprit est encore jeune. La dissonance époustouflante. D’un goût amer. On dira, c’est une bêtise, désolé.

On les a dits ‘’chut!’’.

Les deux préposés se regardaient et se taisaient en regardant le chœur improvisé se rassembler sur la scène improvisée.

Au début, c’est la première rangée qui s’alignait. Si ça méritait d’être nommé une rangée.

Mister Pit est rentré en fauteuil roulant.

Mistriss Christen a défilé devant lui en se penchant sur les marchettes à quatre pattes.

Mister Willis avec une béquille au coude était le troisième.

La deuxième rangée était composée des sept personnes pouvant se déplacer sans assistance.

La camériste séniore les a placés selon les exigences de Mister Greenway, ancien directeur du chœur : les basses – à gauche, les ténors – à droit.

La prochaine rangée, surtout ‘’la jeunesse’’, des ‘’verts’’ soixantenaires ont pris la place sur le podium, cinquantaine de centimètres plus haut que la deuxième rangée.

Mrs Mary Aurtlide, la prima donna du chœur. Elle portait la robe de mousseline et boléro de fourrure :des queues amusantes de renard arctique se démarquaient sur vison rasé. Les cheveux bleus étaient soigneusement esquissés sur toute sa tête enforme des boucles denses, des lèvres rouges et des gouttelettes de diamantes dans ses oreilles. Mister Goldberg, le veuf riche, convivial et philanthrope, qui donne son soutien à ce capella amateur.

Or, tous les choristes ont eu l’aire festive. Les hommes ont eu des habiles avec nœud papillon, des femmes portaient des perles et des épingles décoratives étincelaient dans leurs cheveux. Tout le monde sentait le parfum.

Dans la salle, les préposées décoraient le sapin de Noël et l’arôme du café et du sapin se flânait partout.

De l’autre côté des fenêtres, propres et transparentes, des flocons de la neige se tourbillonnaient tranquillement en rappelant qu’il ne reste que quelques jours avant le Noël arrive.

À ce temps de l’année, la résidence se vidait à un tiers. Les enfants et les petits enfants amenaient les résidents ‘’en vacances’’ au bord de la mère chaude, d’autres voyageaient seules en recevant l’indulgence du médecin en chef à cet égard et des recommandations en cas de surprises incommodes avec la tension artérielle. Alors, ceux et celles qui restaient devaient bien préparer leur traditionnel concert de Noël pour les proches et les invités.

Dès la fin de mois de novembre, Mister Greenway rassemblait son armée chantante chaque jour, plaçait selon les voix, la forçait de ‘’garder le son’’ et ‘’l’envoyer jusqu’à la dernière rangée’’, jusqu’une assez bonne chorale soit formée, donc il n’était pas gêné à présenter au public lors du jour férié.

Mister Greenway a cogné avec sa baguette sur le pupitre :

- Messieurs et mesdames, la vocalise. Concentrons-nous sur ‘’mi’’.

- Mi-mi-mi… - les choristes ont soigneusement chantonné la note insaisissable pour des voix maculées

Jusqu’à ce que Mr Greenway ait ordonné de changer pour ‘’la’’.

Ç’a duré une bonne demi-heure, avec les pauses pour mesurer de la pression de tout le monde et pour les discussions vives sur des chanceux de la première rangée qui seront plus visibles.

Pour cette raison, Mrs Ortlide a pris la place dans un fauteuil roulant.

Dès que tous les différends sont réglés, la dernièrerépétition a débuté.

Mister Greenway a levé ses mains et a donné les premiers indicatifs :

- Ta-ta-ta-ta!..

La chorale a fait l’aspiration profonde et était déjà prête à expirer en reproduisant quelque chose de semblable à un son, quand un autre résidant est arrivé en salle.

Celui dont les deux préposés ont parlé, Mister Nicolas.

Miss Jenny, noire et caustique, a poussé son fauteuil roulant, la seule qui pouvait convaincre ce capricieux vieillard de faire la promenade dans le couloir. Elle chouchoutait à l’oreille poilue de l’aîné quelque choseà propos de la fête, de la dinde, de la neige, qui tombe en abondance cette année, du sapin à voir avec ces propres yeux, ainsi de la surprise dont les choristes ont préparé pour lui.

Les jambes du vieillard étaient couvertes du plaid à carreaux, ses doigts longs et forts serraient fermement les accoudoirs de son fauteuil comme il voulait se lever, son cou rude couverte de l’écorce boisée a difficilement supporté sa tête trop lourde.

Les yeux de Mister Nicolas étaient mi-clos. Il semblait dormir ou démontre le niveau extrême d’indifférence.

Les deux préposés se regardaient en saluant Jenny qui a stationné le fauteuil roulant devant la chorale en s’excusant devant Mister Greenway pour le bruit.

Mister Greenway a gauchi la tête en fonçant ses sourcils et a fait le signe avec ses mains.

Les visages des choristes s’allumaient comme des lanternes sur le chemin obscur – il se sont plongés dans l’univers de la mélodie avec toute la passion qui bouillie encore sous leurs charognes infirmes émouvantes.

Miss Jenny s’est penché vers l’oreille du vieux.

- Cher Nicolas, cette chanson est pour vous!

Puis la chorale a réagi aux voix multiples.

Hark how the bells,

sweet silver bells,

all seem to say,

throw cares away

Christmas is here,

bringing good cheer,

to young and old,

meek and the bold!

En arrondissant soigneusement leurs lèvres et en jetant des coups d’œil joyeux, les choristes ont chanté étonnamment bien en fixant des mains du chef du chœur.

Écoute comment les cloches,

cloches d'argent doux,

tous semblent dire,

jeter les soucis

Noël est là

apportant bonne humeur,

aux jeunes et vieux,

doux et audacieux !

Ding dong, ding dong

Ravie de la chante, Miss Jenny n’a pas remarqué la tête saccadée du patient comme il était assis sur la chaise électrique et les doigts pâlis accrochés aux accoudements.

Merry, Merry, Merry, Merry Christmas,

Merry, Merry, Merry, Merry Christmas…

C’était Mrs Ortlide qui a remarqué le danger.

- Mister Leontovych se sent mal ! –elle a crié tout en arrêtant la chante.

La chorale s’est tais.

Le vieux sifflait en attrapant l’aire par la bouche grandement ouverte.

Jenny a poussé son court cri en se penchant vers le fauteuil.

- Mister Leontovych se sent mal ! – s’est réparti dans la salle comme un écho

En aidant son collègue, le préposé a saisi des poignets du fauteuil roulant et l’a poussé vers la sortie.

En courant jenny a essayé de mettre sur lui le masque oxygène qui était toujours prêt.

- Lisa, Steve ! Crise cardiaque ! – a crié Jenny - À la réanimation ! Tout de suite !

La chorale a réagi avec le bruit sourd.

Ne lâche pas, Nicolas ! – a lancé Mister Pit.

- Vous êtes optimiste, Pit. Mister Leontovych a presque cent ans - a répliqué ironiquement Mrs Christensen en arrangeant sa coiffure.

- Il vivra plus long que nous tous - a grogné Mister Willis sans cacher sa jalousie.

Le chef des choristes a cogné sur le pupitre avec sa baguette. A levé ses mains.

- Mesdames et messieurs, on continue…

Il envoie sur eux

Sur sans fin,

Leur ton joyeux

À chaque maison !

Ding dong, ding dong…


14

Kyiv, 1919

… Au pied du monument de Saint Volodymyr, le petit chaton sans abri s’est blotti aux pierres froides. Comment est-il arrivé ici ? Peut-être il a tombé du panier d’une femme de chambre qui voulait amener les petits de la dernière portée au fleuve Dnipro ?

Leontovych s’est penché, a ramassé la petite balle frissonnante, l’a mis sur sa poitrine, sous son vieux manteau.

- Je n’ai jamais pu les faire noyer.

Kochyts a enlevé son gant de cuir et a touché le chaton tendrement avec son doigt :

- La créature divine…

- Vous partez quand ? – a demandé Mykola.

- Après demain. Au début pour Paris…

- Est-il le bon temps ? –le compositeur a secoué sa tête. – Les bolcheviks s’avancent. On peut être arrêté sur la route.

Kochyts a tapoté son ami sur l’épaule.

- C’est le temps, mon frère, c’est le temps. Ne t’en doute pas. C’est l’ordre de l’Otaman en chef Symon Petlura lui-même !

Il rit.

- MonsieurSymon m’a donc dit : Votre mission est tellement importante, vous devez avoir du succès ! Si vous ne l’exécutez pas, vous serez fusillés !

Et a ajouté solidement :

- Au fait, il a libéré plus que trentaine de mes choristes de la mobilisation. Monsieur Symon est convaincu : c’est la culture qui fera connaitre l’Ukraine en Europe !  Les autres facteurs sont problématiques pour l’instant. L’exportation du blé dont on a convenu ne se réalise pas encore, nous ne l’avons pas assez nous autres. La guerre et les slogans politiques n’attirent personne. Cependant la musique… Notre musique, surtout la tienne est éternelle. Elle sera écoutée, j’en suis sûr. Alors, mon ami, j’ai quelque chose de très spécial à demander : tes partitions ! J’ai besoin de toutes tes partitions. Et, bien sûr, ton Chtchedryk.

Leontovytch était confus :

- Eh, je suis en train de faire la treizième rédaction et…

Kochyts riait tellement que le chaton sous le couvert du manteau a gémi et gratté la main de Leontovytch.

- Je le sais, mon vieux, tu es le vrai perfectionniste ! Pourtant, sans tes liturgies chorales je ne bougerais pas ! Tu arriveras ! Sinon, on sera fusillé pour le vrai !

Leontovytch écarta les mains – s’il faut.

- Assoyons-nous ? – demanda Kochyts en jetant par terre les feuilles fanées et ternies, poudrées par la neige, et libérant une partie du banc.

Ils étaient presque seuls dans ce petit parc.

Les rares passants se précipitaient devant eux en jetant les regards étonnants sur deux messieurs assis sur le banc brisé et froid comme deux corbeaux.

Ils ont gardé le silence un moment.

Kochuts a fixé l’allée, les arbres givrés, l’eau grisâtre de Dnipro, immobilisée, comme sur un tableau. Des rayons du soleil couchant se coulaient de la lumière citronnée dispersée par les nuages en se tombant sur la pointe de la croix dans les mains de St-Volodymyr.

- Et votre retour c’est quand ? – a demandé Leontovytch.

- C’est prévu dans deux mois, - a répliqué Kochyts, voixfaible, pansait loin de là. – Eh … Si beau ici… je suis tellement déçu de devoir laisser tout ça.

- Je suppose, c’est autant beau à Paris … -a dit Mykola en souriant.

- Tu sais donc, je suis un « pot-au-feu ». Je suis confortable seulement chez moi. Et ... Et sur la scène. Il n’y a pas du public plus beau qu’au pays. Encore, toute cette responsabilité ! Quatre-vingtspersonnes dans le chœur ! Quatre-vingts feuilles détachées…

- Cette humeur, c’est quoi ça ? Deux mois, pas deux ans.

- Oui… Tu as raison. Deux mois.

Ses pensées étaient encore loin de là.

Il a fait signe de tête sur le monument pour changer le sujet :

- Tout ça à cause de lui. En Ukraine, les premiers chœurs ont été fondés par prince Volodymyr …

- … il y a plus que mille ans - a lancé Mykola et a ajouté émerveillé : - dans les villages, j’ai trouvé tellement d’anciennes chansons ! Elles s’essaiment dans ma tête, ne me laissent pas dormir. Plus encore, je veux composer un opéra – « Le pâque de la sirène » auprès Hrintchenko. Mais, je suis le mauvais librettiste. Si le Saigneur me donne du temps…

Kochyts a regardé le musicien avec la tendresse.

Il te donnera du temps, mon ami ! Tu es le génie. Tues au-delà du temps. Quoi ce soit se passera.

Il semble tout a été dit.

Kochyts a hoché sa tête en pointant le museau qui regardait courageusement d’au-dessous de la main de Mykola. Le chaton s’est bien réchauffé.

- Quoi faire avec lui ? Il mourra, le p’tit.

- Je l’amènerai chez moi. Mes filles seront heureuses.

Kochyts a poussé le soupire difficile.

- Bien, mon cher frangin. On se dira au revoir ici. N’oublie pas les partitions. Un de mes choristes viendra les chercher. Des longs adieux – des larmes aux yeux…

Kochyts s’est levé brusquement, a ramassé son ami dans ses bras tout en s’efforçant de ne pas regarder dans ses yeux.

Pour un moment, ils sont restés pétrifiés au milieu de l’allée.

Alors, ils se serraient les mains et ont commencé à monter tranquillement la colline, chacun dans sa direction.